Jocelyn Anglemort : Entretien
Mixtapes et tronçoneuses
& , le 28 octobre 2015
Jocelyn Anglemort abreuve régulièrement internet de ses mélodies d’outre-tombes et sélections de rap underground mixées à la tronçonneuse. Entretien avec un "maître de l’horreur".
Entretien avec Jocelyn Anglemort
Jocelyn Anglemort mixe des compilations pointues de rap qu’il poste sur Mixcloud, et partage coups de coeur musicaux et gifs animés sur Twitter. Mais qui est le vrai Jocelyn, qui se cache derrière son avatar footbalistique, ses trouvailles du fond du gouffre de Soundcloud et ses blagues de mauvais gouts ?
Pour essayer d’en savoir plus, on lui a envoyé quelques questions.
– Qui est Jocelyn Anglemort ?
Un thug sur word. Une merdique allure de comptable la semaine, un t-shirt Gucci Mane et un langage châtié le reste du temps. Comme beaucoup de jeunes sous-diplomés, je me retrouve contraint de porter des chemises repassées pour me rendre chaque matin au bureau écouter la secrétaire raconter la gastro’ de ses enfants. À la différence qu’on est quelques-uns, j’imagine, à s’éclipser écouter King Louie en fumant des clopes dès qu’une brèche s’ouvre. Le reste du temps je compile du rap sur Mixcloud en toute discrétion. Comme les lasagnes.
– D’où te vient ce pseudo ?
Mes premières compilations sont un peu nées par amour de la vanne. Avec un pote on s’envoyait des jeux de mots de merde mêlant joueurs de foot des 90’s et lexique rap ( Dizzee Rascal Olmeta, Kétamine Sakho, Parloir Chatome, ce genre de merde drôle à 6 du mat’). Mon pote m’envoie Thierry Rolland 808 à un moment où j’écoute pas mal d’artistes d’Atlanta, et pour la vanne je fais un mix mêlant trap et citations racistes de Thierry Roland. J’ai pris ce nom par hasard, si ce n’est que je trouvais les photo d’Angloma assez sympa, et « Anglemort » c’est pour plaire aux gothiques.
Pour info, ce pseudo ne renvoie pas à la mort de Jocelyn Quivrin sur le périph’.
– Tu te considères comme un vrai DJ ?
Pas du tout. Je mixe chez moi, souvent en slip, toujours avec du rhum. Je ne pense pas que les tracks que je compile soient orientées club, du moins elles le seront de moins en moins.
Mes premiers mixes c’était vraiment pour passer dans les soirées chez moi, avec pas mal de bangers pour remuer du cul, mais ce n’est plus trop le cas. Si je ne me freinais pas il y aurait 10 tracks de $uicideboy$ ou de Dj Smokey par compil’. Personne n’a envie d’écouter ça en payant des verres à des meufs.
– Avec quels outils tu fais tes mixes ?
Ca dépend. J’utilise FL Studio et Mixmeister le plus souvent. Mais c’est en changement. J’ai passé mon été sous codéine pour des problèmes de dos, je ne suis pas parti en vacances finalement, donc j’ai dernièrement dépensé des euros chez Pionneer et Serato. On verra où ça mène.
– Quels sont tes genres musicaux de prédilections ?
J’ai grandi dans un tout petit village dans un des départements les plus vides de France. Pendant longtemps j’étais branché métal, parce que c’est les seules concerts que tu as dans ces endroits, et techno (au sens large) parce que tu as des raves improvisées dans toutes les cabanes de chasse et que finalement il n’y a rien d’autre à foutre (sous condition que tu te drogues, sinon tu peux aller au bowling comme tout le monde).
J’écoutais du rap en parallèle, mais toujours en solitaire. Et en galérant, sans internet, tu te fournis que dans les grandes surfaces. C’est en arrivant à la fac’ en 2008 que j’ai rencontré des mecs super calés rap, depuis je n’écoute quasiment plus que ça, pas par dégoût du reste mais par manque de temps.
– Pourquoi tu bloques comme ça sur la musique ?
Je ne sais pas si je bloques sur la musique, mais c’est vrai que ça m’occupe pas mal de traîner sur Datpiff, Soundcloud et tous un tas d’obscures sites de téléchargement. Je ne m’en lasse pas, c’est très rare de passer une journée sans se faire botter le cul par une mixtape ou un album que tu n’attendais pas, par un artiste que tu ne connais parfois même pas.
Les gens que je fréquente n’écoutent quasiment pas de rap actuel, c’est peut-être pour ça que je creuse, pour trouver les morceaux qui suscitent l’engouement de tous.