SpaceGhostPurrp : Mysterious Phonk
, le 19 juillet 2012
Mysterious Phonk : Chronicles of SpaceGhostPurrp, le premier "véritable" album de SGP, porte bien son nom. Cela faisait quelque temps qu’on entendait parler du jeune producteur/rappeur de Miami. Tant par ses mixtapes glorifiant le rap sudiste des années 90 (plus particulièrement la scène horrorcore de Memphis), que par celles de son crew le Raider Klan ou encore par les instrus produites pour d’autres, notamment par la figure de proue de la nouvelle vague hip-hop, A$AP Rocky. Je vous en avais d’ailleurs déjà touché un mot ici même.
– Ci dessus la vidéo de Osiris of the East.
C’est donc contre toute attente 4AD, le label des Pixies, de TV On The Radio et de The Birthday Party, qui a eu le flaire de signer SpaceGhostPurrp. Agé de 21 ans, ce jeune producteur au funk crépusculaire nous dit produire des instrus sur son Fruity Loops depuis l’âge de 13 ans et rapper depuis ses 7 ans. Issu d’une famille de hip-hop heads, ce serait principalement sa mère qui lui aurait donné le virus en rappant elle-même du matin au soir. Elle le suit d’ailleurs dans ses tournées.
En fait de premier album, il s’agirait plutôt d’une compilation de tracks déjà sorties sur les mixtapes du producteur (que l’on peut trouver réunies ici). Si on a déjà écouté Blvck Phonk, Blvcklvnd Rvdix 66.6 et God of Black on connait alors quasiment l’intégralité des titres présentés sur Mysterious Phonk. Ces tracks sont ici remixées et enfin proposées avec un son propre. Les voici débarrassées de ce souffle crado caractéristique des tapes du Klan mais également de tous ces petits samples (orages, trains, scream queens, rires sataniques, pianos désaccordés etc.) dont SGP parsème ses mixtapes (et qui en faisait également le sel).
Il est curieux, de prime abord, de redécouvrir ces titres ainsi dépouillés de tous leurs atours et j’ai tout d’abord accueilli relativement froidement cet album. Les tracks de ce qui ne me semblait être qu’une compilation commerciale me paraissaient vidées de leurs substances. Bien qu’il soit évidemment agréable de les découvrir avec un son de qualité, je les trouvais ainsi réduites à un état squelettique qui appauvrissait l’ensemble. Diable ! Quelle erreur !
Débarrassées de tout sample et autres effets anecdotiques, les instrus sont, en effet, ici réduites à leur essence pour un funk minimal, macabre et hypnotique, qui peut en effet paraitre pauvre à la première écoute mais qui se bonifie avec le temps. Ce minimalisme, ce rachitisme, apparait même rapidement comme sa principale force.
En effet, après plusieurs écoutes la puissance addictive des beats de Mysterious Phonk a commencé à se faire sentir (bien plus que sur les bruyantes mixtapes à mon avis) et chez moi l’album ne veut plus sortir de mon iPod pour y tourner quasiment en boucle.
Sur ce funk mystérieux, la voix douceâtre du rappeur, largement sous-estimé, psalmodiant ses prêches nihilistes avec un flow nonchalant emmène l’auditeur dans un univers où le sexe, la drogue, l’argent, la violence et les valeurs gangsta côtoient une esthétique morbide et gothique. Une esthétique dans la droite ligne du Three 6 Mafia, qui décidément se trouve être, au début de cette nouvelle décennie, un des inspirateurs principaux du renouveau hip-hop.
Pour un best-of, l’album de SGP reste extrêmement cohérent sur sa longueur. La première partie de l’opus, avec certains titres phares comme Mystikal Maze, Bringing the Phonk, Osiris of the East, Suck A Dick 2012 ou Black God qui étaient déjà les stars des précédentes mixtapes du bonhomme, surpasse cependant, à mon sens, la suite.
Mysterious Phonk, avec ses rythmiques envoutantes de fêtes macabres, ses basses sourdes et ses flippantes nappes de synthés hypnotiques, porte donc terriblement bien son nom et son écoute prolongée frôle avec l’envoutement vaudou.