Nicolas Humbert, Werner Penzel, Step Across the Border, 1990
Une errance musicale
, le 8 février 2013
Après avoir vu ce film, vous n’aurez qu’une envie : empoigner qui une guitare, qui des baguettes, qui une casserole et une cuillère en bois et de vous la donner ! Un vrai message d’espoir pour les musiques inclassables.
Dans ce petit bijou cinématographique en noir et blanc 35 mm, les opérateurs suivent le musicien britannique Fred Frith dans ses pérégrinations durant l’année 1990. Tokyo, New York, différentes villes européenne : on ne sait jamais précisément où l’on est, ce qui donne à l’oeuvre le caractère d’une errance ou d’une improvisation (les réalisateurs ont parlé du film comme d’une "ninety minutes celluloid improvisation").
On est bluffé dès le splendide générique de début, qui peut faire penser aux films-collages de Stan VanDerBeek. C’est Jonas Mekas qui ouvre le film en nous causant de l’effet papillon. Ensuite, les guests prestigieuses s’enchaînent : Arto Lindsay qui nous parle de sa vie d’homme perdu et nous joue quelques accords foutraques dont il a le secret, une impro de Fred Frith avec Tom Cora, John Zorn, le photographe Robert Frank qui improvise à l’oral une "poétique du train"… Sons in, off, voix, impros, sons naturels : tout cela se fond dans ce qui ressemble à une véritable pièce musicale. Frith narre son tout premier concert, un récital de reprises des Beatles lors d’un séjour linguistique en France, nous dit qu’il a renoncé à changer le monde au profit de la "construction de situations" (une idée de Debord qu’il a piqué à Henri Lefebvre…) à un niveau local.
Si une certaine mélancolie sourd de ce film qui montre des gens pour qui la musique est tout, sans restriction de genre, souffrant d’un certain isolement, il nous rappelle que les improvisateurs et expérimentateurs du monde entier forment une communauté transnationale et inter-générationnelle dont on souhaite de tout coeur qu’elle ait un long avenir devant elle…
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