En 1985, une "danseuse nue" de Montreal invente tranquillement la bande dessinée autobiographique.
Sylvie Rancourt n’a alors pas une culture particulière en matière de bédé en général et connait encore moins la scène indépendante de l’époque, mais elle aime dessiner et décide de raconter sa vie de strip teaseuse sous forme de comics photocopié qu’elle vend dans les clubs de sa ville. Ses premiers lecteurs sont donc ses clients et ses collègues qui la motivent a continuer.
"Les gens n’aiment pas trop lire, mais ils adorent les bandes dessinées, de plus le milieu de danseuses et du spectacle, c’est visuel, j’ai pensé que ça irait bien en bande dessinée.
Je raconte ma vie de danseuse, sans en faire quelque chose de dramatique, et sans faire la morale. Avec tout ce que j’ai vécu, je suis bien placée pour décrire le milieu de vie des danseuses nues. J’ai fait ça d’abord comme un défoulement, et ce livre-là, je peux dire qu’il m’a sauvé la vie. Ça m’a permis de faire face à ma situation et de me comprendre à travers mes livres. Je ne les avais pas fait d’abord dans le but de les publier, mais vu que tout le monde trouvait que c’était bon, sincère, je me suis dit : "C’est un pas à franchir pour toutes les filles qui ne parlent pas de ce qu’elles vivent !"
Tout y est véridique, seul les noms ont été changés pour "protéger les coupables". C’est avec une mise en scène particulièrement simple et d’une rare efficacité, accompagnée d’un trait à la touchante naiveté que Sylvie Rancourt nous raconte avec tendresse et sans acune forme de jugement le milieu qu’elle fréquente. Clients, patrons de club, dealers et petits escrocs s’y retrouvent aussi nus que les effeuilleuses sur la piste de danse et c’est un régale de lire les pensées des clients pendant le spectacle.
Tirés a peu d’exemplaires en photocopies A5, ces comics ont tout de même été réédité depuis, notamment en langue anglaise, mais ils ne furent jamais édités en France. Grâce aux éditions Ego Comme X, on peut enfin mettre la main dessus en 2013 et c’est un véritable bonheur.
Ego Comme X propose sur son site la lecture des premières pages du livre que je vous reproduis ci-dessous (cliquez sur l’image pour passer à la suivante).
– Interview de Sylvie Rancourt en 1986
– Lire la préface de Mélody par Bernard Joubert