Little Danny : The Lonely Beat
100 Themes for the Naked City
& , le 16 octobre 2017
Une centaine de 45 tours des années 1940 pour dessouder du bookmaker véreux au fond d’une ruelle glauque, avant d’aller s’en jeter un dans un bar exotique.
Mix : J. Anglemort
DJ sur la célèbre web radio WFMU, surnommée la "meilleure radio du monde" par tout un tas de mélomanes un tantinet pointus et passionnés de vieilleries, Little Danny est avant tout, et comme nombre de ses collègues, un collectionneur obsessionnel. L’objet de sa marotte est la musique populaire américaine d’après-guerre qui mélange allègrement jazz, mambo et rock&roll avec des influences exotiques ou cinématographiques. Outre son émission sur WFMU, il partage occasionnellement mixes et compilations à télécharger sur son blog Office Naps.
Ainsi l’excellente compilation A mambo, Latin jazz and exotica-ish sampler réunit-elle une vingtaine de perles introuvables et finement sélectionnées de ce jazz latin ou teinté d’exotisme issues du label de Los Angeles, Discos Corona/Crown Records. Une musique très nocturne et mystérieuse aux accents sud-américains et caribéens qui faisait fureur dans la Californie d’après-guerre.
À côté de son blog, Little Danny propose aussi une série de sites au concept proche du jukebox, réunissant chacun une centaine de 45 tours, tous plus obscurs les uns que les autres, autour d’une même thématique "après-guerre".
On pourra ainsi se plonger dans la vague "exotica" grâce à "The Exotica Project", dans le rock folk des petites villes avec Nowhere Town, 100 Lost Places and Spaces ou encore dans les origines du rythm & blues avec The Bluesville Jukebox, Clubland Jazz Hip Instrumentals. Et enfin, avec The Lonely Beat, celui qui nous intéresse ici, vous pourrez voyager dans les bas fonds de la ville sans fard de la deuxième moitié des années 1940. Une des particularités de ces projets est la possibilité de naviguer par mot-clés dans la multitude de titres proposés. Ainsi, pour The Lonely Beat, vous pourrez choisir parmi des propositions comme "Crime", "Muted Trumpet", "Walking Bassline", "Suspens" ou encore "Femme Fatale".
The Lonely Beat, 100 Themes for the Naked City
Avec The Lonely Beat, 100 Themes for the Naked City, Little Danny tente de capturer une série d’images, de motifs et de thèmes spécifiques à la vie urbaine de cette période, aussi bien réels que reconstitués par le prisme de la culture populaire.
The Naked City, la ville nue, est un des nombreux surnoms de New York, mais c’est aussi un terme générique pour désigner l’idée de cette ville moderne, clinquante, violente et décadente, célébrée dans cette période de l’après-guerre. On la retrouve, omniprésente dans la culture populaire d’alors, sous différentes identités, "Metropolis", "gangland Gotham", "the Asphalt Jungle", "bohemia" ou encore "the mean streets".
The Naked City (La Cité sans voiles) est également le titre d’un film de Jules Dassin qui marqua la fin des années 1940, notamment pour sa forme hors du commun qui tente de dépeindre, avec un aspect presque documentaire, les méthodes d’investigation de la police de l’époque. Le film donnera naissance dix ans plus tard à une série télévisée dans laquelle toute une nouvelle génération de comédiens, de Gene Hackman à Christopher Walken et Dustin Hoffman, en passant par Robert Duvall et Dennis Hopper, fera ses premiers pas. The Naked City c’est encore le titre d’un livre de photographies d’Arthur Fellig (Weegee) sorti ces même années. Un livre qui fera date en mettant à nu les nuits de New York. Des cadavres encerclés par la police y croiseront gangsters endimanchés, musique tonitruante, alcool frelaté, célébrités excentriques, clowns tristes et prostituées fatiguées dans une froide et magnifique sarabande.
Ces grosses guitares basses, ces trompettes bouchées, et ces rythmiques chaloupées avec balais et maracas rappellent à nos oreilles du XXIe siècle le cinéma de cette époque, les films noir, ceux de gangsters, mais aussi, plus proche de nous, la musique des films de Tarantino ou les thèmes composés par Angelo Badalamenti pour Twin Peaks. Enfin, cette compilation donnera à manger au producteur de rap new-yorkais des années 1990 qui sommeille en chacun de nous, et bon nombre de passages lui donneront envie de les mettre en boucle pour en faire des démos à envoyer à Stretch et Bobbito.
Textes & Artworks : Dirty Noze
Mix : Jocelyn Anglemort
Photographie : Weegee