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Musique

Bilan 2014 : Rap de gangsters et de weirdoes

Selon DirtNoze

Dirt Noze, le 6 janvier 2015

Le meilleur du rap de 2014, selon DirtNoze. On trouvera ici, sans ordre particulier, beaucoup de rap d’Atlanta, un peu de rap de Californie et d’ailleurs, des trucs de gangsters et des trucs de weirdoes.

Cette année, comme la précédente, a été très rap en ce qui me concerne. Après avoir sélectionné les projets qui m’ont le plus plu, et/ou que j’ai le plus écoutés, je les ai séparés, pour plus de lisibilité, en deux listes : "Rap de gangsters" et "Rap de weirdoes". Deux étiquettes qui résument bien, à mes yeux, les deux aspects du rap qui m’ont le plus frappé cette année (même si la frontière entre les deux est parfois poreuse).

J’ai ajouté, en fin d’article, quelques "singles" de 2014, que j’ai trouvé marquants et, comme je ne pouvais pas m’arrêter, j’ai terminé avec quelques albums "non rap".


Rap de gangsters

Gangsters qui s’assument ou gangsters fatigués, d’Atlanta à Compton, en 2014 on porte ses couleurs et on raconte, avec plus ou moins de vernis, ses vies de criminels.

 A-wax - Pulling Strings

A-Wax, qui oeuvre dans l’underground depuis une bonne grosse dizaine d’années a livré cette année, avec Pulling Strings, un album exceptionnel qui pourrait bien le faire entrer, enfin, dans la cour des grands. A-Wax, c’est le revers de la médaille de la vie criminelle, le blues du gangster. Quand certains glorifient la vie de dealer de drogue et l’argent facile, le rappeur, à l’instar d’un Kevin Gates ou d’un Starlito, nous raconte, lui, les déboires, la solitude et la douleur que peut engendrer une vie passée du mauvais côté de la loi. Le tout sur des productions qui tirent la trap vers le cloud rap.


 YG - My Krazy Life

Avec DJ Mustard à la production, un des instigateurs du son Ratchet (minimal et tout en basses, entre g-funk et hyphy), l’album My Krazy Life de YG est déjà un classique et nous propose un duo rappeur / producteur comme on les aime. YG (pour Young Gangsta), originaire de Bompton, Balifornia est affilié au gang des Bloods et le revendique. Il nous raconte la vie quotidienne du gangster californien, avec moult références, aussi bien dans les paroles, la musique (plus g-funk que les productions habituelles de Mustard) ou les clips vidéo, à Snoop Dogg, Dr. Dre ou DJ Quik. Il rend ainsi hommage à la culture gangsta rap des années 1990 sans tomber dans les travers du passéisme.

Avec Bicken Back Being Bool, il nous offre également un des meilleurs clips de rap de l’année :


 Future - Monster + Honest

Future nous a livré cette année un album commercial, "Honest", qui porte bien son nom. Honnête et loin d’être mauvais (il a tourné en boucle chez moi tout l’été), il n’est pas parfait et a déçu la critique et les fans pour avoir peut-être fait trop de compromis commerciaux. Avec la mixtape Monster il fait un retour en fanfare dans la rue . Producteur exécutif du projet, Metro Boomin livre ici un pur concentré de trap bien sauvage. L’album et la mixtape fonctionnent en binôme et nous présentent les deux facettes d’un des artistes les plus importants du moment à Atlanta.


 Tree - The @MCTREEG EP

Tree, avec sa voix rocailleuse, forgée sur les bancs de l’église, et son concept Soul Trap, quelque part entre gospel et rap de rue, est un des artistes les plus innovants de la planète rap en 2014. Le rappeur / producteur de Chicago a livré cette année une série de courtes mixtapes dont ce The @MCTREEG EP, également sorti en vinyle, tout bonnement magnifique.


 Vince Staples - Hell Can Wait

Comme YG, Vince Staples est originaire de Compton. De son côté il assume la couleur bleue du gang des Crips. Dirigé par le producteur No I.D., Hell Can Wait est un EP, sec et concis, qui envoie, malgré son titre, l’auditeur en enfer. Sirènes amères, beats menaçants et raps acides pour un portrait sans concession et loin d’une vision glamour de la vie de gangsters à Los Angeles.


 Kevin Gates - By Any Means + Luca Brasi 2

Quand certains rappeurs s’identifient à des personnages de fiction hauts en couleur, comme Tony Montana, Kevin, lui, s’intéresse au cas de Luca Brasi. Personnage secondaire du film Le Parrain, Luca Brasi est un homme de main soumis et silencieux, qui aura un sort funeste dans l’indifférence générale.
2013 aura été l’année où Kevin Gates, avec The Luca Brasi Story, a renouvelé son rap, trouvé ses mélodies et posé son timbre particulier. Il a également trouvé son personnage de gangster sensible, et s’est ainsi imposé comme un incontournable du rap actuel. En 2014 l’essai est transformé avec By Any Means puis Luca Brasi 2 qui a tout juste déboulé en décembre.


 Starlito - Black Sheep Don’t Grin

Starlito est le rappeur préféré de Kevin Gates. Il aura également attendu la mi-décembre pour sortir un album incontournable de l’année.
Starlito, avec ses histoires de voyous prisonniers d’une spirale infernale, partage avec kevin un rap pointu, bien écrit et un regard sensible et désabusé sur la triste vie de mauvais garçon.


 King Louie - Tony

King Louie est un des patrons de la Drill music de Chicago. Des rimes dures sur des beats froids, pour raconter la vie et la mort dans un des ghettos les plus dangereux des États-Unis. L’excellent titre Live & Die In Chicago annonce peut-être un virage vers une veine plus sensible. Après un début de carrière très "street", le roi des singes vient de rejoindre OVO, le label de Drake.


Rap de weirdoes

À Atlanta ou ailleurs, au coeur la scène rap ou à ses extrêmités, les personnalités les plus loufoques ont été à l’honneur en 2014.


 Rich gang - Tha Tour Part. 1

Le Rich Gang, sur cette mouture, c’est Young Thug et Rich Hommie Quan, soit deux des figures montantes de la nouvelle scène d’Atlanta, sur des prods de London On The Track (et ses potes), le tout chapeauté par l’extravagant Birdman (le patron à gros cigare, et tatouages sur le visage, de Cash Money).
Ici, dans la thématique, on se situe à l’exact opposé de A-Wax. On est dans le délire total, la glorification à outrance de la vie de nouveaux riches, de l’argent facile et de l’hédonisme, jusqu’à la folie. Voire à l’absurde tendance dada. On y retrouve, sur les intrus pop et chic de London On The Track, un Young Thug légèrement "domestiqué" mais qui n’a rien perdu de son génie, de sa versatilté et de ses fulgurances. Cette mixtape marque une étape certaine dans la carrière du nouveau "best rapper alive".


 Young Thug + Bloody Jay - Black Portland

Sortie au tout début de l’année 2014, Black Portland est l’association de 2 des rappeurs bizarroïdes les plus magnifiques d’Atlanta, pour une des premières grandes mixtapes de l’année.


 Chief Keef - Back From The Dead 2

Chief Keef n’en finit plus de perdre tout le monde en changeant de direction à chaque projet et continue à défricher de nouvelles directions, pendant que tout le monde s’acharne à imiter le style qui l’a rendu célèbre il y a deux ans.


 Father - Young Hot Ebony

Father, rappeur, producteur et graphiste proche d’ILovemakonnen et de Key !, est le fondateur de Awful Records, un des collectifs qui fait bouillonner le New Atlanta. Ici pas de prouesses techniques ni dans les prods ni dans le rap, mais un esprit cool, indépendant et foutraque, tendance plein de drogues, qui fait bien plaisir.


 Key ! + OG Maco - Give Em Hell

Toujours à Atlanta, la collaboration fructueuse entre Key ! et OG Maco pour un rap tout en énergie qui mêle l’esprit du punk rock à l’énergie de la trap music. Le tout sur les productions minimales et très personnelles de Brandon Thomas.


 ILoveMakonnen - I Love Makonnen EP

2014 aura été l’année du boom d’ILoveMakonnen. Le premier projet de Makonnen Sheran avec des producteurs de trap d’Atlanta, Drink More Water 4 était décevant. La sauce ne prenait pas très bien et on regrettait ses démos bricolées qui sentaient bon la "bedroom pop". C’est véritablement avec son projet suivant, I Love Makonnen EP, que l’oiseau a pris son envol et que la collaboration avec Metro Boomin, et ses amis, à commencé à bien fonctionner. Depuis il a été signé sur OVO, le label de Drake et on se demande à quoi va ressembler la suite de sa carrière. À l’origine le style de Makonnen ce n’est pas vraiment du rap. Gageons qu’ y a 10 ans, il aurait été signé sur un label de rock indé. Il est amusant de constater que finalement, en 2014, c’est le monde du rap qui l’a adoubé et lui a donné sa chance au sein de l’industrie musicale.


 Cashy - Platinum Plus (EP)

Un seul producteur sur l’EP, l’excellent Purrp Dogg, pour lui donner son ton, et une couv’ qui fait référence au Pen & Pixel des années 1990, pour une courte mixtape très cohérente, présentant au monde le pimp rap décadent, et aux allures 80s, de Cashy Kesh.
Voir aussi l’étonnant clip de Stupendous.


 Yung Gleesh - Cleansides Finest 3

Rappeur un poil déjanté qui traine aux côtés de Fat Trell, Yung Gleesh joue aux débiles mais cultive surtout une attitude incroyable et bourrée d’humour.


 Mick Jenkins - The Water(s)

Un des survivants du rap conscient de Chicago, Mick Jenkins n’est certainement pas un "weirdoe" mais il nous fallait un peu de respectabilité dans ce top. Il nous livre avec The Water(s) une mixtape aussi solide qu’un album. Ce projet au concept étrange, et qui file la métaphore aquatique tout au long de ses 15 titres pose le rappeur, sur l’échiquier rap de Chicago, à l’opposé de la "drill scene" et sur les traces de Common.
The Water(s), ou l’eau comme solution à tout.


Singles

 Metro Thuggin - The Blanguage

Young Thug et Metro Boomin ont révolutionné 2014 avec BLanguage, une relecture du Language de Drake comme avant goût de Metro Thuggin, leur mixtape en commun à venir (et qu’on n’en finit plus d’attendre). Le tout porté par un vidéo clip hommage au We Be Steady Mobbin de Lil Wayne (l’idole de Thug) qui a fait également sensation.


 Metro Boomin - Chanel Vintage (Feat. Young Thug & Future)

Pendant l’été 2014 Metro Boomin sort, uniquement sur iTunes et en son nom, une bombe atomique avec Young Thug et Future qui se donnent la réplique au micro. Peut-être une annonce de ce à quoi ressemblera 20 & Boomin, à moins qu’on ne passe directement à 21 & Boomin.

Et tout ça pour ne pas faire mentir l’adage qui dit, après Versace et Maison Margiela, puis Givenchy, que, de nos jours, un morceau de rap qui porte le nom du maison de haute couture est forcément une tuerie.


 Future - Good Morning

On raconte que ce Good Morning serait la première version du célèbre Drunk In Love de Beyoncé. Detail, le producteur des deux titres, aurait bossé sur Good Morning avec Future, puis aurait proposé à Beyoncé de reprendre la mélodie fredonnée par le rappeur d’Atlanta. Du coup la version de Future n’est pas officiellement sortie et a été écartée d’Honest. C’est grâce à un leak de qualité médiocre et bourré d’affreux tags qu’on a pu l’apprécier. Depuis on peut le trouver en version "no DJ" et c’est clairement un des morceaux qui a le plus tourné dans mes playlists cette année.


 Rae Sremmurd - No Type

Sous la houlette du producteur Mike Will Made It, Rae Sremmurd, les 2 jeunes rappeurs du collectif Drummers Ear, ont posé leur marque sur le rap d’Atlanta de 2014 en deux singles. Une stratégie à l’opposé de la tendance actuelle, plutôt dans l’accumulation de mixtapes, qui semble pour le moment faire ses preuves. Après un No Flex Zone très dansant, le duo sort cet excellent No Type qui fait monter la pression pour leur premier album qui sortira en janvier.


 Peewee Longway Feat. MPA Duke - Str8 Out The Mudd

Peewee Longway n’a pas sorti de projet solo notable cette année (peut-être en 2015 ?), mais à tout de même participé à de très bon morceaux, comme ce Str8 Out The Mudd, sur une prod de Metro Boomin. Et comme Peewee n’en finit pas de sortir de la boue, on peut aussi écouter ce Out The Mud avec Nephew 100.


 Chief Keef - Fool Ya

Un morceau bien sombre et nihiliste pour un Chief Keef de plus en plus punk et décadent. Une piste folle avec une autotune bien flippante en attendant l’album Bang Pt. 3 qui devrait voir le jour en 2015.


 Casino - I Swear

Casino est un proche de Future qui attend encore d’exploser. Sa mixtape Casino Royale contient cet étonnant titre hypnotique où le rappeur se donne, en mode "infinit adlid", sur une instru minimale et planante.


 OG Maco - Fat Fuck

Le divorce entre OG Maco et Key ! semble bien prononcé, en témoigne cet excellent, et bien nommé, Fat Fuck.


 Corbin (Spooky Black) - Worn

En décembre, Spooky Black a sorti sous le nom de Corbin un titre co-produit par Shlomoh qui marque une étape, plus sombre et noisy, dans la courte carrière du chanteur de 16 ans.


 Frank Ocean - Memrise

En fin d’année, Frank Ocean a posté ce morceau sur son blog, sans aucune explication. Si cela annonce ce à quoi ressemblera son prochain album, c’est plutôt bon signe.


Hors piste

Quelques albums hors rap, qui m’ont tapé dans l’oreille en 2014 :

 Dean Blunt - Black Metal
2014 aura été l’année ou j’ai découvert Dean Blunt, donc je mets ici son dernier album mais c’est toute sa discographie qui se cache derrière Black Metal.
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 Lonnie Holley - Keeping a Record of it

Je triche un peu, Keeping a Record of it est sorti en 2013, mais je l’ai découvert en 2014.
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 Black Zone Myth Chant - Straight Cassette (Ré-édition vinyle)

J’ai découvert cet album, que certains n’hésitent pas a qualifier de "lien manquant entre DJ Screw et Dean Blunt", à l’occasion de son édition vinyle par Laidtbac records. J’ai du même coup découvert la discographie de High Wolf qui vaut le détour.
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 Sun Ra - In the Orbit of Ra

Un album de Sun Ra en 2014 ? Oui ça sent encore un peu la triche. Mais cette compilation éditée pour les 100 ans de Sun Ra par le label Strut Records (avec l’aide de Marshall Allen) est excellente, et la discographie immense du musicien mérite bien ce genre de "débroussaillage".