Trois éloges du film de genre
Aragon, Fondane et Picabia
, le 30 octobre 2010
Trois éloges précoces du film de genre, chers à mon coeur. À lire à haute voix pour bien savourer le rythme !
Le premier est signé Benjamin Fondane, poète roumain sympathisant dada :
Qui de vous [...] n’a vécu de cette nouvelle aventure inouïe, policière, foraine, bancaire, loufoque, sentimentale, exaltante, malaisée, vie de « où me mènes-tu ? » et de « tu n’y mourras pas », vie de trafiquant de coco, de chevaux hors-la-loi, de faux-monnayeurs, de bandits magnanimes, [...] vie de steppes le lasso à la main, vie de métropole le revolver au gant...
Une autre déclaration du même tonneau, sous la plume du peintre et poète dada Francis Picabia :
Ce que j’aime, c’est la course à travers le désert, les savanes, les chevaux en nage. Le cow-boy qui entre par les fenêtres du bar-saloon, l’éclatement des vitres, le verre de whisky vidé à angle droit dans un gosier rude et les deux brownings braqués sur le traître, tout cela rythmé comme un galop accompagné de claquements de fouet, de jurons et de coups de revolver.
Et une dernière, plus vindicative, du jeune Aragon :
J’aime les films sans bêtise dans lesquels on se tue et on fait l’amour. J’aime les films où les gens sont beaux, avec une peau magnifique, vous savez, qu’on peut voir de près. J’aime les Mack Sennett comedies avec des femmes en maillot, les films allemands avec de magnifiques scènes romantiques, les films de mon ami Delluc où il y a des gens qui se désirent pendant une heure jusqu’à ce que les spectateurs fassent claquer leurs sièges. J’aime les films où il y a du sang. J’aime les films où il n’y a pas de morale, où le vice n’est pas puni, où il n’y a pas de patrie et de petits soldats, où il n’y a pas de Bretonne au pied d’un calvaire, où il n’y a pas de philosophie ni de poésie. La poésie ne se cherche pas, elle se trouve...
À nous les salles obscures !