Apollo Brown
, le 23 décembre 2012
De nos jours le hip-hop se cherche des sonorités de plus en plus "synthétiques" et tend à se confectionner des rythmiques plus évolutives qu’auparavant. Ses sources d’inspiration, longtemps puisées dans la black music des années 70, ont naturellement glissé vers les années 80 puis 90 avec de nouvelles générations de producteurs à chaque fois fascinées par la décennie qui les a vus naître. Mais qu’en est-il de ces beats bien fat, de ces samples funk, soul et jazz au parfum de vinyle qui ont bercé notre jeunesse durant les années 90 ?
De la trap music au cloud rap, et leur sonorités aux accents électroniques, les samples issus des vieux vinyles de Grand-Pa’ semblent avoir été, ces dernières années, quasiment balayé de la conception d’un bon beat rap. Le rap est une musique vivante dont le but a toujours été de continuellement se réinventer, quitte à en laisser sur le carreau, avant eux c’était le scratch qui avait été évincé, et avec lui la figure du DJ.
En ces temps où le rap moderne s’est détourné du son de New-York donc, Apollo Brown nous concocte un bon vieux boom bap à papa, rempli de samples 70’s bien funky, avec les craquements de vinyles qui vont bien, qui raviront les anciens. Le producteur originaire de Detroit marche clairement dans les traces de DJ Premier et de Pete Rock pour donner leur pitance aux plus nostalgiques d’entre nous.
À défaut d’être originale la formule a le mérite d’être cependant honnête et bien huilée. Le discret producteur tend presque à s’effacer derrière l’oeuvre qu’il sample tant son travail peut paraître minimal. Il sélectionne des boucles soul/funk (ou rock) qui tapent bien, n’hésite pas à les laisser tourner et les ré-agence pour en faire sortir le jus. Il gonfle ensuite les basses, ajoute un "super beat" qui tabasse pour faire bouger les têtes et l’affaire est dans le sac.
Un travail modeste et respectueux des artistes samplés, notamment dans ses premiers albums instrumentaux où ses tracks peuvent être vues comme de véritables célébrations des oeuvres originales. Apollo Brow, dont le nom est déjà un double hommage [1], a pris l’habitude de laisser tourner sur plusieurs mesures le titre samplé en intro. Ainsi ce n’est qu’après nous avoir présenté le matériau à partir duquel il a travaillé que le morceau proprement dit peu commencer. Une méthode "honnête" et assez éloignée de celles de certains producteurs et DJ qui cherchent à camoufler l’origine de leurs samples.
À l’heure où le hip-hop tend à se réinventer, où l’on commence déjà à parler d’une nouvelle "golden era", rien ne dépasse dans la musique d’Apollo Brown, tout y est d’un classicisme absolu. On pourrait pratiquement dire que le bonhomme fait dans le rap d’ascenseur. Un ascenseur groovy dans lequel on serait tenté de laisser passer son étage afin d’y rester un peu plus longtemps tant on s’y sent bien.
Il multiplie les collaborations avec des rappeurs (OC, Black Milk, Hassaan Mackey ou Oddisee) mais ce sont ses albums instrumentaux (dont l’excellent Skill Trade à télécharger gratos) qui restent pour moi les plus représentatifs.
– http://apollobrown.bandcamp.com/
Du hip-hop à écouter en famille. Il ravira la grand-mère et fera bouger le popotin de la petite dernière.
[1] L’Apollo Theater est une célèbre salle de spectacle de Harlem, symbole de la musique noire américaine depuis les années 40, où, entre autres figures illustres, James Brown fit ses débuts et enregistra plus tard le célèbre album Live at the Apollo.