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Musique

Ol’ Dirty Bastard : La technique de l’homme ivre

Return to the 36 Chambers

Dirt Noze, le 31 décembre 2011

Ol’ Dirty Bastard, ODB, Dirt McGirt, Osirus ou Big Baby Jesus, Russell Tyrone Jones est ce clodo qui gueule à deux heures du mat’, soit une sorte de Charles Bukowski de Brooklyn, en version hip-hop. C’était aussi le rappeur qui voulait représenter toutes les gueules cassées, alcooliques, toxicomans, et clochards du monde.

ODB c’est le père de 13 enfants qui défraye les tabloids en allant chercher son RMI en limousine, mais également en voulant sauver une petite fille accidentée de la route. C’est le vrai héros populaire, du genre qui s’évade de l’hôpital après s’être fait tirer dessus par un autre rappeur, puis qui se fait choper pour vol de chaussures dans un magasin, celui qui fait de la cavale et se fait arrêter maintes et maintes fois, c’est le mec qui passe la plupart du temps de sa carrière sous les verrous et qui meurt d’une overdose à 35 ans.

Charlie Parker du mic

Mais le membre fondateur du Wu-Tang Clan, avec ses deux cousins RZA (Prince Rakim) et GZA (The Genius), est surtout un véritable génie du flow, un flow libre, nourri à l’alcool et aux stupéfiants, ultra expressif et décomplexé qui s’escrime à faire craquer le hip-hop de son carcan 4/4. Un flow qui débite des hectolitres d’égotrips aux non sens prophétiques parfumés de sexe, de numérologie, de Five Percent nation, d’extra-terrestres et de théories du complot en tout genre.

Le "vieux dégueulasse" semblait avoir adapté au freestyle hip-hop la technique de combat shaolin dite "de l’homme ivre" (le "Zui Quan" ou "Drunken Boxing", popularisé au cinéma, entre autres, par Jacky Chan), à savoir "utiliser la folie et le déséquilibre provoqués par les troubles d’une ivresse simulée pour surprendre et tromper son adversaire".

Return to the 36 Chambers

Tout son travail créatif est nourri de ce déséquilibre, de cette ivresse et d’un état d’urgence permanent. Les titres de son premier album Return to the 36 Chambers auraient tous été écrits et enregistrés dans la foulée en quelques prises. Les instrus, très minimales, auraient également été composées le jour même et dans l’urgence, par RZA.

Un album possédant un son brut et un esprit "rock & roll" plutôt rare dans la production hip-hop de l’époque.

Ol’ Dirty Bastard - Proteck Ya Neck II The Zoo [1]

En extrait ci dessus, Proteck Ya Neck II The Zoo est un posse cut bouillant extrait de l’album Return to the 36 Chambers où tout le Brooklyn Zoo (collectif plus ou moins informel qui gravitait autour du rappeur) se relai sur l’instru à tour de rôle.

Une énergie incroyable se dégage de ce morceau et il s’agit pour moi d’un des tout meilleurs titres boom-bap des années 1990. Minimal et hardcore, il représente, à mon sens, l’essence de ce que le rap a de particulier : Ce n’est pas une chanson c’est une bataille. Sur un beat inquiétant et hypnotique concocté par RZA, les 9 rappeurs luttent de toutes leurs forces, ils donnent tout mais ODB (de 2:40 à 3:40 plus l’intro), loin au dessus de la meute, les surpasse tous.

Malheureusement, et contrairement à Charlie Parker qui changea le Jazz pour toujours en inventant le Be Bop, la mort du rappeur le 13 novembre 2004, n’a elle, pas changé grand chose. On commence cependant, à trouver dans la génération actuelle, de plus en plus d’artistes qui, comme Danny Brown, revendiquent l’influence qu’à eu sur eux le "sale vieux bâtard".

Le freestyle de l’homme ivre

ODB : freestyle @ MTV
ODB : freestyle

Dirty Thoughts (documentaire)

Un petit doc sur le Dirt.


[1featuring 12 O’Clock ; 60 Second Assassin (of Sunz Of Man) ; Buddah Monk ; Killah Priest (of Sunz Of Man) ; Murdoc ; Prodigal Sunn (of Sunz Of Man) ; Shorty Shit Stain ; Zoo Keeper (Produced By : Rza (of Wu-Tang Clan))